Les événements de la banlieue, vus de ma fenêtre

C'est pas raisonnable, juste viscéral par Michel Perray J’ai 40 ans, j’habite Marne-La-Vallée en région parisienne, à coté de Disney. Depuis 20 ans je vote à gauche, parce que je suis contre les privatisations, le torpillage du code du travail, la baisse de l’impôt sur le revenu. Vendredi 4 novembre : Les incidents durent depuis une semaine, je vais au travail en prenant le RER et le métro, je suis étonné du décalage entre ma réalité et les informations. Samedi 5 novembre : Ce matin, j’entends à la radio qu’un lycée dans la ville voisine a brûlé, je passe à côté en allant au marché, rien, juste une voiture de pompiers. J’apprends plus tard que l’incendie aurait été à l’intérieur des bâtiments. Une fatwa a été faite pour rappeler que détruire le bien d’autrui n’est pas conforme à la religion musulmane. Bon et bien maintenant, avec cette fatwa, les casseurs sont à priori des musulmans ! Heureusement au travail, avec les parents d’élèves, je côtoie des musulmans et je sais qu’on est semblable, qu’on s’inquiète pour nos enfants, pour notre avenir. Ceux qui n’ont pas ces possibilités pourront tout imaginer… Dimanche 6 novembre Je suis resté dans ma ville tout le week-end et j’ai vu les informations, j’ai l’impression de guerre civile. Je commence à avoir peur, il faut que je me raisonne. Vers 19h00, on rentre de chez des amis à pied, dans la rue il y a une voiture de pompiers avec les gyrophares en marche. On sent une odeur de brûlé, mais les pompiers restent dans leur camion, apparemment c’est accidentel. Ce qui m’impressionne, c’est l’hélicoptère qui tourne au-dessus de nos têtes, je me dis qu’il commence à utiliser des moyens importants. Je viens de voir le 20h00, une bonne dose de peur, je regarde par la fenêtre, je suis très étonné de ne pas voir de flammes. J’ai entendu le Maire de Noisy Le Grand (socialiste) qui parlait de femmes sorties de leur voiture par les cheveux, et de leurs voitures incendiées, il en appelait au rétablissement de l’ordre républicain, par l’armée si nécessaire, la violence est réelle. J’entends Chirac, un homme du monde rural, qui se retrouve à la tête d’un pays à 80% citadin. Lundi 7 novembre. J’ai pris le RER et le métro pour aller travailler, c’était bien, il y avait plein de personnes qui ne se tapaient pas dessus, il y avait des visages fermés, mais comme d’habitude, c’était rassurant. Le soir, j’ai emmené les filles chez la pédiatre. Je l’aime bien la pédiatre, elle est d’origine juive, dans un quartier à 50% de confession musulmane. Il y a quelques temps, elle a été obligée de mettre un mot dans son cabinet pour dire qu’elle ne parlait pas des problèmes palestiniens et qu’elle était là, pour soigner les enfants. Elle habite à côté d’un poste de police, volets fermés, je vois un adolescent sonner à la porte et partir en courrant, pas de réaction dans le poste. Elle me parle de la porte de la pharmacie cassée, de ses patients policiers qui ont peur. Je rentre à pied avec mes filles dans ce quartier sensible, tout étonné de le voir si calme. J’entends Villepin, il me plait avec son ordre républicain, c’est décidé, au prochaine présidentielle je vote pour lui. C’est pas raisonnable, juste viscéral. Mercredi 9 novembre, je rentre à 23H00 d’une réunion d’une ville voisine, tout à coup en roulant, je vois un grand feu au milieu des immeubles, j’en reviens pas, la fiction de la télé devient réalité. Pour réagir : michel.corinne2@wanadoo.fr