Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Post-Scriptum, Gildas Richard
Archives
23 avril 2006

Damnés de la terre

Dans tous les reportages, les mêmes mots parlent d’un ciel bas, plombé, de femmes à la tête ceinte d’un fichu rouge qui racontent la mort d’un fils, d’une fille, les douleurs et les dystrophies, l’abandon de l’Etat de l’autre côté de cette barrière posée là, parce qu’il faut bien mettre une limite à l’enfer. Parce qu’il faut marquer le temps, même lorsqu’il est suspendu, les reporters sont donc revenus les voir. Vingt ans après l’explosion du réacteur N°4. Avant, leur lopin était déjà un point noir, mais seulement pour les atlas du monde qui signifient la vie en pointillés. Ici, était un point noir parmi d’autres, ni meilleur ni pire, petit, au milieu du grenier du monde, à la frontière biélorusse. Aujourd’hui, on ne connaît plus que lui, terrible point de fusion depuis ce 26 avril 1986 où, à 2 heures du matin, 50 tonnes de combustible nucléaire ont pris le vent du large. Zone d’exclusion. Les reporters regardent, cherchent les signes, ne voient rien que de la désolation et de la vie qui s’acharne à pousser, à rager, à se lever. Le nuage était rouge, raconte cette femme, déjà trop vieille pour encore avoir peur. Il y a bien longtemps que les damnés ne font plus confiance aux relevés des dosimètres. Les reporters filment, notent et préparent leur sujet. Commencer en rappelant que cette année-là, Coluche s’est encastré sous un putain de camion… Ou alors, introduire la chose en rappelant qu’en 2006, 78,5 % de l’électricité produite en France est d’origine nucléaire… Ou alors, rappeler qu’il y a des petits points noirs partout dans le monde, ignorés. Que celui-ci est damné de la terre. Point final.
Publicité
Commentaires
Post-Scriptum, Gildas Richard
Publicité
Publicité