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Post-Scriptum, Gildas Richard
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3 janvier 2005

Brigitte Fontaine, belle abandonnée...

 

La Reine Brigitte

D'abord, c'est le Pierrot que j'ai découvert. C'était un mai chansonnier comme Montauban sait les programmer sur les gorges du Tarn, là où l'on se « nougarotte » les oreilles. Pour calmer mon impatience en attente de l'équilibriste Leprest, j'avais ouvert un livre à chansons de l'éditeur Christian Pirot. Il y avait là des mots en guirlandes que seul un Pierrot de cœur pouvait avoir mouillés de sa plume : « La joie vous souffle au cœur / On chérit l'univers / Comme un enfant de chœur / Un dieu d'éther et de chair ». Signé Fontaine. Pour moi, ce nom évoquait juste un genre humain. Un genre particulier qui se limitait aux paroles allumées d'une martienne en mal de jantes. Une zazou, sœur d'un jacquot, née au pays de la chanson la même année qu'Aline et Cécile. Une voix perdue dans les brumes soixante-huitardes qui ne répondait pas à la question : cet enfant qu'on lui avait fait, pas le premier mais le second, qu'en avait-elle fait ?  Ce jour de sud, je sus que Brigitte Fontaine appartenait à la famille de ces poètes dont la folie nous est belle et douce, en bordure de nos jours de retenue. Pierrot le fou, qui est ta colombine ?

Puis vint l'heure où je vis la reine. C'était une soirée où les notes s'acoquinent à quelques rimes comme Nantes sait en concocter dans une bouche d'air, depuis 20 ans maintenant*. Bras tendus, évoluant à petits pas, la reine des Kékés s'était avancée dans une robe d'extravagance, encapuchonnant le cheveu ras et le corps gracile. « Les arbres sont des messagers / Venus d'un royaume étranger / Et les nuages sont les songes / Des octopus et des éponges. » Aux percussions, son roi le sieur Areski Belkacem donnait le la. Mimiques, pas d'une chatte belle et rebelle, cri de la conne et murmure de vagabonne, l'errance demie clocharde et l'élégance hagarde, la reine Brigitte fut tour à tour rigolote, madone et chochotte. En son royaume, le temps était doux comme sur les rives du Guadalquivir, agité comme à la radio et ondulé sous les riffs du rififi. « L'empire de la nuit / Plus noir que la série / Attire les ennuis… » C'était une soirée où aucun siège n'eut froid dans le dos.

* La Bouche d'Air fête ses 20 ans en ce mois d'avril 2002.
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