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Post-Scriptum, Gildas Richard
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3 janvier 2005

Dali, de Figueras à Cadaquès...

 

La muchacha

D'emblée, elle refusa l'idée du portrait. Non par caprice, non… Simplement parce qu'il en avait toujours été ainsi. Elle laissait les regards s'attarder au grain ensoleillé de sa nuque, deviner la douceur d'une joue et caresser le nu de ses épaules sur lesquelles tombait l'entrelacs de longs cheveux réunis en trois papillotes. La couleur de ses yeux ? Inutile d'insister, elle ne m'en dirait rien. Le dos tourné, elle m'invita cependant à m'approcher, à regarder avec elle en silence. Il faisait beau et nos yeux allaient par dessus les toits. Au loin sur la gauche, un paysage aride se courbait dans le ciel. Plus proche de nous, une petite maison près de laquelle un arbre semblait tenir tête aux astres. La porte était ouverte mais il n'y avait personne dehors. La belle restait impassible, fixant la fenêtre du mur d'en face comme une promesse. Peut-être attendait-elle qu'un visage lui fit signe, qu'une main se tende ou qu'une ombre fasse écho à sa patience. Je n'osai l'interrompre, de peur de froisser le pas qui nous séparait. C'est elle qui murmura. « C'était un autre temps, je suis née dans cette lumière blanche, à Figueras. Si tu continues ton voyage, tu retrouveras cette géométrie de la lumière… » Elle portait une longue robe blanche, finement rayée. Je ne pouvais imaginer qu'elle puisse en porter une autre car sa peau donnait ainsi magnifiquement la réplique à l'ocre des toits. Après un silence, elle ajouta : « Tous mes souvenirs sont là-bas. Cadaquès… Tu connais ? » - Non, dis-je. « C'est là-bas qu'il m'a vue. C'était avant qu'il ne parte à Paris. Avant qu'il ne rencontre Picasso. Avant qu'il ne dessine ses délires… Avant qu'il ne rencontre Gala. » Dans sa voix, il y avait un rire moqueur. Je lui demandai son nom. Elle me répondit qu'elle n'en savait plus rien, que cela n'avait aucune importance. Elle me souhaita un bon voyage et ajouta qu'elle était vraiment désolée pour le portrait. Qu'importe, répondis-je bêtement, j'aime les énigmes.

 

(d'après La Muchacha de espaldas de Salvador Dali – 1925).

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