Chronique, ici et maintenant...

L'heure des urgences

Vite, il est 20 heures. Le monde nous attend, il a besoin de nous. L'hiver, plus encore, il peut compter sur nous. C'est la saison qui veut ça, qui pousse à rentrer tôt, à s'installer chaudement dans le canapé. Dehors, l'air est sévère et rien que d'y penser, c'est un agréable frisson. Comme la violence de la pluie sur le vasistas ou le souffle de la tempête, le soir, à l'heure égoïste, camouflés sous la couette. Cet hiver, paraît que le mercure dans les chaussettes plombe le moral, à moins que ce ne soit l'inverse. Qu'importe ! Nous sommes au rendez-vous du monde et le monde peut compter sur nous. C'est pas compliqué d'être généreux. Il suffit de regarder les images et de laisser monter, laisser venir. Ça vient forcément. On n'est pas des sauvages tout de même ! Ces dernières semaines, on a vu le sourire des enfants en fauteuil et on a promis qu'on donnerait. On a vu la désolation et on a donné pour l'Asie du Sud-Est. Hier, aujourd'hui ou demain, on aura vu Pierre Arditi et on aura pensé qu'il est comme nous, qu'avec 1 € lui aussi achète un journal ou un café. Alors quand il dit ce que l'Unicef peut faire avec 1 €, on se dit que c'est pas grand chose, que même si l'augmentation de la CSG rogne notre salaire, ce n'est pas une raison. Et puis d'abord Arditi, on l'a toujours bien aimé, c'est vrai quoi… Le Téléthon, le tsunami, l'Unicef et les autres… Nous sommes là, le cœur sur la main. On enchaîne les dons, on court d'une urgence à l'autre, on ne compte pas.
C'est peut-être l'hiver qui veut ça, qui nous atrophie la jugeote. Lobotomisés, robotisés… On fait ce qu'on nous dit, on fait là où on nous dit de faire. Paraît qu'il y a des moments où faut agir, pas réfléchir. Donner, faire confiance, compatir et puis… partager la galette. Dans la rue, les fonctionnaires occupent le pavé. Chacun son jour. Pourquoi tant de rogne ? Qu'est-ce qui ne va donc pas ici ? Chirac promet une nouvelle baisse des impôts, oui et alors ? C'est quoi le rapport avec nos élans du cœur ? Eux, ce sont des politiques, non ? Nous, on est dans le concret ! Tous les jours, il est 20 heures. L'heure des urgences. Ce soir, PPDA annonce la nuit la plus froide. Sûr qu'on va encore avoir besoin de nous.

PS : Suffit que l'Abbé Pierre nous repousse son coup de gueule de l'hiver 54 et, c'est sûr, on donnera.