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Post-Scriptum, Gildas Richard
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3 janvier 2005

Chronique, octobre 2004

 

Le baril à 55 dollars

Lors du 1er choc pétrolier, le Français moyen roulait en Peugeot 204. Le baril fit plusieurs tonneaux jusqu'à voir son prix multiplier par trois et se stabiliser à 12 dollars. Un matin de giscardisme, notre homme apprit que son pays comptait officiellement 1 million de chômeurs. Il s'interrogea en vain sur la signification de cet « officiellement ». Songeur, il tourna la page et lut l'histoire de ce mécanicien qui, racontait-on, avait inventé un réacteur capable d'économiser le carburant en brûlant de l'eau. C'était donc vrai : en France, on n'avait pas de pétrole mais des idées ! Lorsque le baril atteint les 25 dollars, le Français moyen n'était plus le même. Il avait confié son destin à la gauche et pour vraiment changer la vie, il roulait en Renault 14, « une nouvelle idée de la voiture » comme disait la pub. Il crut comprendre que cette flambée là, c'était encore un coup des Arabes : la guerre qui opposait les barbus iraniens au bon Saddam d'alors avait fait faire la culbute aux fûts d'or noir. C'était le début des années 80 et notre quidam faisait l'inventaire de ses désillusions. Quelques années plus tard, le baril franchit la barre des 40 dollars. On ne parla pas – ou peu – de troisième choc. Le Français moyen pensa que les spécialistes avaient dû, comme lui, se faire à l'idée que la chose était cyclique et qu'il fallait philosopher la croissance. Pourtant, cette année-là, c'était bien d'un choc dont il s'agissait puisque papa Bush avait lancé ses troupes à l'assaut du coyote irakien qui avait envahi le Koweït, un bout de terre où il suffisait de percer pour que fusent les pétrodollars. Cette année 1991, le Français moyen fit un prêt pour acheter une Clio, une voiture à sa femme. Les petites, ça consommait moins.  De cohabitations en désabusions, dix ans passèrent encore jusqu'au jour où un abruti parla d'un nouveau choc, celui des civilisations. Il y eut les bombes, les envahisseurs et au final, le baril à 55 dollars. Le Français en conclut qu'il fallait se méfier, qu'un choc pouvait en cacher un autre. Dans la rue, les paysans grognaient. Lui s'interrogeait : l'ozone, les enfants, les réserves… Laguna ou 406, il hésitait, fatigué. Son monde était en panne. D'essence et de sens.

 

Têtes de Turcs

Nous n'avons jamais su nous en passer. De tout temps, nous avons eu nos têtes de turcs. Tour à tour, elles furent italiennes, polonaises, portugaises, arabes de là-bas, dis ! En fait, ce sont uniquement les têtes qui ne nous revenaient pas ! On s'accommodait fort bien des bras qui, personne n'en disconviendra, abattaient de l'ouvrage. Le problème des têtes, c'est tout ce qu'elles trimballent. Elles promènent des façons de penser qui ne nous ressemblent guère, des yeux qui regardent en coin, par derrière, des nostalgies qu'ont mal au pays… Et puis dans les têtes, il y a toujours des rêves qu'on ne peut lire, des histoires battues à d'autres vents. Voilà qu'on nous annonce de nouvelles têtes de Turcs. Des vraies, celles-là. On ne les a pas encore vues et il paraît qu'il y en a même qu'on ne verra jamais, voilées qu'elles sont. C'est fou ce qu'on peut se mettre en tête… On a déjà peur de perdre sa tête et l'on s'imagine leur tenir tête. Du coup, on fait la gueule. Pourtant, une tête c'est aussi une bouche en sourire, parfois. Ça dépend. Chacun à ses têtes.

Alfred aurait été fier…

 Sur la photo, elle ouvre les mains, immenses battoirs qui n'ont jamais rien battu. Rien, sauf les rappels à l'ordre du droit du peuple noir. Wangari Maathai est la première africaine à remporter le Nobel de la Paix, récompensée pour avoir lutté toute sa vie contre la déforestation. Sûr qu'il aurait été fier, Albert Nobel, lui qui dans son testament voulait que soient reconnus ceux qui contribuent au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes… Les arbres, ça protège et ça réchauffe. Les arbres, ça enracine le monde et ça invite à regarder le ciel. Au Kenya, lorsque les promoteurs tronçonnent le ciel, les hommes sont abattus. Privés de ressources, ils risquent de déterrer la hache… de guerre. C'est pour éviter ça que Wangari ouvre les mains. Pour que l'homme noir puisse grandir et mourir auprès de son arbre.

 

 

 

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